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Chansons d'Anne Sylvestre

 

 


Carcasse



1.
Sûr qu'on ne s'est jamais quittés
Depuis ce jour fleuri de roses
Où sans y comprendre grand'chose
Toi et moi on s'est rencontrées
On a grandi sans y penser
Je t'ai fait prendre quelques bûches
Tu m'as évité les embûches
Des lunettes et des bras cassés
Ta fièvre, moi, je l'aimais bien
Quand tu me collais des angines
Je voyais des dragons de Chine
S'agiter sur mes papiers peints

Carcasse
Sait-on bien comment ça se passe?
On occupait la même place
On ne s'est jamais rien demandé
Sans blague
Mes souvenirs sont dans le vague
Comme les branches qu'on élague
À l'arbre où l'on s'est balancé

2.
J'ai commencé à deviner
En arrivant vers quinze ou seize
À sentir un certain malaise
Qu'on n'était plus bien accordées
Toujours on se contrariait
Tu dévorais, j'étais frugale
Et je nourissais tes fringales
En rêvant que je m'envolais
Un mauvais jour, j'ai découvert
Ton grand nez, j'ai trouvé ça moche
Mais tu m'as dit : " Pauvre caboche
Regarde un peu, tu as les yeux verts"

Carcasse
On s'épiait devant la glace
J'avais les peurs, toi les audaces
On ne pouvait rien décider
En somme
C'est moi qui me méfiais des hommes
Et toi qui les désirais comme
Une grand'voile à ton voilier

3.
J'espère qu'à notre chemin
Il n'y a qu'une moitié de faite
Je nous vivrais bien d'autres fêtes
Je te ferais marcher plus loin
Je rêve encore de te changer
J'essaie toujours, mais tu renacles
Et tu me bâtis des obstacles
Où je ne peux que trébucher
Mais sans même viser trop haut
Je veux que tu soies, vieille bête
Au moins aussi bien dans ma tête
Que moi je suis bien dans ta peau

Carcasse
Faut que tu marches ou que tu casses
Mais si je te regarde en face
Il n'y a pas de quoi prendre peur
T'existes
Et puis t'es pas tellement triste
Surtout depuis que tu résistes
Au vent qui malmène les fleurs

4.
On a beau savoir qu'il faudra
Que toi et moi on se sépare
Vois-tu, j'ai de la peine à croire
Qu'un jour ça nous arrivera
On peut essayer si tu veux
De repousser plus loin la cible
Moi Je ferai tout mon possible
Mais faudra que tu m'aides un peu
Et quand tu arriveras au bout
Pourvu que ce soit moi qui veille
On arrivera bien, ma vieille
À résister encore un coup

Carcasse
On n'y peut rien, les années passent
Sur toi le temps laisse des traces
Et je sens que je change aussi
Avance
Ton arme à toi c'est l"espérance
À chaque jour qui recoimmence
On recommence notre vie

Carcasse
Depuis longtemps, quoi qu'on y fasse
Et jusqu'à ce qu'on se défasse
Tu restes ma meilleure amie.

 




Faites moi plutôt la cour



1.
S'il faut parler, faisons causette
Vous avez une jolie voix
Je crois deviner que vous n'êtes
Pas seulement ce qu'on en voit
Mais pourquoi brûler les étapes
Et ne pas flâner en chemin ?
Comme les mouches on ne m'attrape
Pas du premier revers de main

Faites moi plutôt la cour
Ça devient rare, de nos jours
On ne se tourne plus autour
N'importe qui peut faire l'amour
Comme une simple performance
Mais l'élégance
Mais l'espérance de se frôler dans un détour
Mais la patience
Ça n'a plus cours

2.
S'il faut toucher dès qu'on approche
N'approchez pas, ce sera mieux
S'il faut pour ne pas être cloche
Se réveiller près d'un monsieur
Dont on ne connaît pas l'enfance
À peine la couleur des yeux
Si c'est fini quand ça commence
Voyez, ça me fatigue un peu

Faites moi plutôt la cour
...

3.
Si l'on ne risque pas d'entendre
Le moindre battement de cœur
Si c'est ridicule d'attendre
Que l'on se fasse un peu moins peur
Moi je n'ai rien d'une acrobate
Je prefère les sentiments
S'il faut s'aimer comme on se gratte
Ça ne m'amuse pas vraiment

Faites moi plutôt la cour
...

4.
S'il faut supprimer la musique
Et ne garder que le tempo
S'il faut faire la gymnastique
Et tordre le cou aux oiseaux
Allez, vous vous trompez d'adresse
Et vous trouverez bien ailleurs
À moins que d'une histoire de fesses
Vous fassiez une histoire de cœur

Faites moi déjà la cour
Et nous verrons, dans quelques jours
Quand vous m'aurez tourné autour
Nous verrons si ces beaux discours
Ont toujours autant d'importance
Et l'élégance
Et l'espérance de se frôler dans un détour
Et la patience
Pourront toujours
Vivre dans les chansons d'amour
Rien que dans les chansons d'amour

 




L'autre et l'une



1.
L'autre dit à l'une
Je ne te veux pas de mal
Nous sommes chacune
Sur nos gardes et c'est normal
Celui que tu aimes
N'est pas le même avec moi
Tu as ses problèmes
Je ne connais que ses joies
L'une dit à l'autre
Je redoutais cet instant
Ce n'est pas ta faute
Mais c'est la faute du temps
Je ne suis pas sûre
De n'avoir que des soucis
Et pour les blessures
Tu en recevras aussi

Que tu sois l'autre ou l'une
Tu prends ton coup de lune
Tu prends ton coup au cœur
Que tu sois l'une ou l'autre
Souvent la marche est haute
Pour trouver le bonheur

2.
L'autre dit je doute
Que tu veuilles m'écouter
Tu es sur la route
Je suis sur le bas-côté
Je sais c'est facile
De venir après la pluie
Mais il est fragile
Le soleil de l'embellie
L'une dit de grâce
J'ai fait le chemin pour lui
Je voulais qu'on fasse
Une pause avant la nuit
Je n'ai pas de chaînes
Pour le tenir près de moi
Je n'ai que mes peines
J'en userai si je dois

Que tu sois l'autre ou l'une
...

3.
L'autre dit je pense
Qu'on nous a mal élevées
Cette appartenance
Mais comment s'en délivrer
Quelle est cette fièvre
Qui nous met le cœur en croix
Des mots sur les lèvres
Que l'on n'imaginait pas
L'une dit j'en crêve
De le porter dans mon sang
Il était ma sève
Pour toi ce n'est qu'un passant
Je devrais sans doute
M'oublier encore un peu
Mais que ça me coûte
De l'imaginer heureux

Que tu sois l'autre ou l'une
...
4.
L'autre dit je gage
Que tu ne m'écoutes plus
Et c'est un mirage
De penser qu'on aurait pu
Dans une autre histoire
Ne pas tant se détester
Et simplement boire
À la source d'à côté
J'aurais pu dit l'une
Te prendre la main ailleurs
Mais ton coup de lune
C'est aussi mon coup au cœur
Tes vagabondages
Font s'écrouler ma maison
Mais tu fais ta cage
Des barreaux de ma prison


Que tu sois l'autre ou l'une
Tu prends ton coup de lune
Tu prends ton coup au cœur
Que tu sois l'une ou l'autre
Souvent la marche est haute
Pour trouver le bonheur (bis)

 




Le pont du Nord



1.
Nos frères disparus sont comme nos amours
Tant que l'on n'a pas vu leur nom sur une pierre
On ne prend pas le deuil, on survit, on espère
Et malgré l'évidence, on les attend toujours
On a beau le savoir que tout est terminé
Qu'on ne remontera jamais le cours du fleuve
On soutiendra pourtant, malgré toutes les preuves
Que sur le pont du Nord un bal y est donné (bis)

2.
On met sa robe blanche et sa ceinture dorée
On ouvre les rideaux de toutes les fenêtres
On les a vu pourtant une nuit disparaître
En nous faisant des signes au bas de l'escalier
Et nos belles amours toujours inespérées
On croit qu'elles prendront une place si tendre
On se laisse leurrer, mais comment s'en défendre?
Elles arrivent toujours dans un bateau doré (bis)

3.
Quand sur le pont du Nord on a posé le pied
À la première danse, on a le cœur qui flanche
Les souvenirs sont là, qui roulent en avalanche
À peine l'on nous lâche, on se sent oubliée
Et nos belles amours qu'on a tant espérées
Qu'on a tant confondues avec nos propres ombres
On les cherche en pleurant, au milieu des décombres
À la troisième danse, le pont s'est effondré (bis)

4.
Quand les cloches du Nord se mettent à sonner
On s'en va consulter les cartes, les pendules
On se retrouve alors de plus en plus crédule
Et l'on se sent de plus en plus abandonnée
On se dit que peut-être ils ont juste oublié
Et l'on regarde aux yeux tous les hommes qui passent
Et nos belles amours un instant les remplacent
Et partent en dénouant la ceinture dorée (bis)

5.
Nos frères disparus sont comme nos amours
Tant que l'on n'a pas vu leur nom sur une pierre
On ne prend pas le deuil, on survit, on espère
Et malgré l'évidence, on les attend toujours (bis)