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Des textes inconnus
de Jacques Brel


Les pastiches ci-dessous sont bien de moi, mais en revanche, le texte de présentation a été écrit par Alain Borrel, secrétaire du club Pierre Desproges-Dolly Parton du 20ème.

 

Jacques Brel, 6 dan ... Qui aurait pu deviner que derrière ce poète déchiré se cachait un joueur de premier plan, initié au Go par Hergé lui-même ? Personne ! Nul n'a jamais vu Jacques Brel dans un club de Go ou dans un tournoi. Et pourtant ...
Au cours des décennies 1950 et 1960, Jacques Brel a écumé les tournois européens. N'en ratant aucun, les gagnant souvent, mais sans jamais apparaître sous sa véritable identité. Il y venait grimé de fausses moustaches, parlant anglais avec l'accent du Midi, changeant de pseudonyme à chaque fois.
Il s'agissait pour Jacques (entre joueurs de Go, on s'appelle par son prénom) d'échapper aux foudres de son impresario, un certain X, joueur d'échecs aussi médiocre (vers la fin de sa vie il commençait à peine à comprendre le coup du berger) que dogmatique. Ayant surpris notre ami, alors chanteur débutant, un dictionnaire de joseki à la main, il lui fit clairement comprendre que sa carrière s'arrêterait le jour où sa passion pour le Go serait connue du public.
Jacques fut dès lors réduit à jouer en cachette ... Pour éteindre le conflit intérieur qui le rongeait, il tenta de fusionner ses deux amours, le Go et la chanson et composa quelques textes consacrés au jeu. Naturellement, il était hors de question de les interpréter tels quels ... et Jacques fut contraint de réécrire ces paroles sur un mode plus classique. Le succès rencontré auprès du public par ces réécritures montre à l'évidence que le talent du parolier ne s'exprimait jamais mieux qu'à propos du Go. Jamais, cependant, il ne réussit à surmonter l'infernal dilemme et en mourra, râpé par le destin alors qu'il rédigeait les statuts du Club de Go des Marquises.

 

 

NE ME COUPE PAS

 

1.

Ne me coupe pas
Laisse-moi relier
Tout peut se relier
Qui s’enfuit déjà.
Relier ces groupes
Qui semblent perdus
Car je n’ai pas su
Protéger leur coupe
Et ceux qui se meurent
Qui ont succombé
À un nakade
Joué en plein cœur
Ne les coupe pas, ne les coupe pas,
Ne les coupe pas …

2.

Moi je trouverai
De beaux tesuji
Oui, un coup exquis
Me connectera
J’irai sous les pierres
Même après leur mort
Y chercher encore
Quelque chose à faire
Je ferai un domaine
Qui sera bien à moi
Où régnera ma loi
Où tu seras en peine
Ne l’envahis pas, ne l’envahis pas,
Ne l’envahis pas ...

  

3.

Ne m’envahis pas
Je te chasserai
Droit vers des filets
Où tu te prendras
Je te parlerai
De ces groupes-là
Qui ont vu deux fois
Leurs yeux se fermer
Je te raconterai
L’histoire de ce tas
Mort de n’avoir pas
Pu se connecter
Ne m’envahis pas, ne m’envahis pas,
Ne m’envahis pas ...

4.

On a vu souvent
Rejaillir l’aji
Du ko de mille ans
Qu’on croyait fini
Il est paraît-il
Des seki certains
Donnant plus de points
Qu’une vie tranquille
Pour qu’un territoire
Au yose se voit
Les blancs et les noirs
Ne s‘épousent-ils pas
Ne me combat pas, ne me combat pas,
Ne me combat pas ...

 

5.

Ne me combat pas
Je ne veux plus lutter
Je ne veux plus pleurer
Je vais rester là
À te regarder
Tuer et sourire
Et à t’écouter
Compter, et puis rire
Laisse-moi finir
D’ajouter tes points
De ranger tes pierres
D’enregistrer ton gain
Ne commente pas, ne commente pas …
(et vous) Ne kibbitzez pas ...

 

 

 

LE PLAT MOYO 

 

1.
Avec le bord d'en haut 
Pour dernier terrain vague 
Et de vagues keimas
Pour arrêter les vagues 
D'envahisseurs ; avec
Des pierres qu'ils dépassent 
Et qui n'auront jamais 
De quoi vivre sur place 
Avec infiniment
De sente à subir 
Au temps de l'érosion 
Voyez-le rétrécir 
Le plat moyo 
Qui est le mien

2.
Avec au point vital 
Une ombre qui le gagne 
Et malgré ses deux murs 
Semblables à des montagnes, 
Laissant filer au centre 
Des tobi connectés 
Des formes résilientes 
Pleines de libertés 
Et trouvant des chemins 
Que je n'ai su bloquer 
Au temps de l'invasion 
Regardez-le craquer 
Le plat moyo 
Qui est le mien.


3.
Avec un mur si bas 
Qu'un sansan s'est perdu, 
Avec un mur si bas 
Qu'il est surconcentré, 
Avec un mur si laid 
Qu'un kibbitzer s'est tu, 
Avec un mur si laid 
Qu'il mourrait en gote 
Avec un point vital 
Où j'aurais dû jouer 
Au temps du tsumego 
Regardez-le trembler 
Le plat moyo 
Qui est le mien

4.
Avec des tesujis
Utilisant des kos 
Avec enfin des coups 
Qui ressemblent à du go 
Quand l'aji tôt créé 
Se réveille soudain 
Quand ses groupes harcelés 
Ont perdu leurs chemins 
Quand c'est à moi de rire 
Quand j'ai tout capturé 
Quand vient le temps des comptes 
Regardez-le gonfler 
Le grand moyo 
Qui est le mien 

 

GRAND JACQUES

 

C'est trop facile d'entrer dans les moyos
Pour y jouer tout un tas d'hametes
Face aux débutants qui fondent en sanglots,
Perdent leurs yeux et se font capturer

"Tais-toi donc, grand Jacques 
Que connais-tu des moyos ? 
Un sansan, un komoku 
Tu ne joues jamais plus haut …"

C'est trop facile, le semeai fini 
De prétendre avoir sacrifié ses pierres 
Joueurs brutaux ignorant les sekis 
Vos goban ressemblent à des cimetières

"Tais-toi donc, grand Jacques 
Laisse-les crier de joie 
Laisse-les compter leurs tas 
Toi qui refuses tous les combats …"

C'est trop facile quand un hoshi se meurt
Frappé au cœur, cerné de tous côtés 
De jouer un yose-ko de dernière heure 
Comme si les kos duraient l'éternité

"Tais-toi donc, grand Jacques 
Que sais-tu du tsumego ? 
Toi qui, ayant deux yeux 
Cherches encore tes points vitaux …"

Et dis-toi bien, grand Jacques 
Qu'être un joueur en Dan 
C'est trop facile de faire semblant …