L'histoire de 2 + 2 = 5
par
Houston Euler (traduite et adaptée par moi )
"Par dessus tout, c'était un logicien. Au moins trente-cinq
années de son demi-siècle d'existence avaient été exclusivement dévouées à
démontrer que deux et deux font toujours quatre, sauf dans certaines
situations exceptionnelles, où ils font trois ou cinq suivant le cas"
Jacques Futrelle, "le problème de la
cellule 13"
La plupart des mathématiciens sont habitués — ou du moins ont vu dans
la littérature des références — à l'équation 2 + 2 = 4.
Cependant, l'équation 2 + 2 = 5, moins connue, a elle aussi une riche
et complexe histoire derrière elle. Comme toute autre quantité complexe,
cette histoire a une partie réelle et une partie imaginaire ; c'est de
cette dernière que nous nous occuperons exclusivement ici.
De nombreuses cultures, dans les premières étapes de leur développement
mathématique, découvrirent l'équation 2 + 2 = 5. Par exemple, la tribu des
Bolbs, descendante des Incas d'Amérique du Sud, comptait en marquant des
nœuds sur des cordes. Ils comprirent vite que lorsque une corde à deux nœuds
est jointe à une autre corde à deux nœuds, il en résulte une corde à
cinq nœuds.
De récentes découvertes indiquent que les Pythagoriciens avaient
découvert une preuve de ce que 2 + 2 = 5, mais que cette preuve ne fut
jamais mise par écrit. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la
non-apparition de la preuve ne fut pas causée par une dissimulation
analogue à celle tentée pour la découverte de l'irrationalité de racine de
2. En fait, ils ne purent tout simplement pas payer les services de
scribes. Ils avaient perdus leurs subventions, à la suite des protestations
d'un groupe d'activistes défenseurs des droits des bœufs, qui
n'approuvaient pas la façon dont la Fraternité célébrait la découverte de
théorèmes. Il en résulta que l'équation 2 + 2 = 4 fut la seule utilisée
dans les Éléments d'Euclide, et l'on n'entendit plus parler de 2 + 2 = 5
durant plusieurs siècles.
Vers l'an 1200, Léonard de Pise (Fibonacci) découvrit que quelques semaines
après avoir mis deux lapins mâles plus deux lapins femelles dans la même
cage, il se retrouvait avec considérablement plus de quatre lapins.
Craignant qu'une contradiction trop importante avec la valeur 4 donnée par
Euclide soit accueillie avec hostilité, Léonard annonça prudemment que
« 2 + 2 semble plus proche de 5 que de 4 ». Même cet exposé
raisonnable de ses résultats fut sévèrement critiqué, et faillit mener
Léonard à une condamnation pour hérésie, ses justifications maladroites à
l'aide de l'équation 1=3 n'ayant pas convaincu Rome. Soit dit en passant,
il persista dans son habitude de sous-estimer le nombre des lapins ; son
célèbre modèle de populations fait apparaître deux nouveaux lapereaux à
chaque naissance, une sous-estimation grossière s'il en fut jamais une.
Quelque quatre cents ans plus tard, la piste fut à nouveau reprise, cette
fois par les mathématiciens français. Descartes annonça : « Je
pense que 2 + 2 = 5 ; par conséquent cela est ». Cependant,
d'autres objectèrent que son argument n'était pas complètement rigoureux.
Il semble que Fermat ait eu une preuve plus solide qui devait apparaître
dans un de ses livres, mais cette preuve, et d'autres résultats, fut
supprimée par l'éditeur pour que le livre puisse être imprimé avec des
marges plus larges.
Entre l'absence d'une démonstration définitive de 2 + 2 = 5, et
l'excitation créée par le développement du calcul infinitésimal, les
mathématiciens, vers 1700, s'étaient à nouveau désintéressés de l'équation.
En fait, la seule référence connue du 18ème siècle à 2 + 2 = 5
est due à l'évêque Berkeley qui, la découvrant dans un vieux manuscrit, eut
ce commentaire ironique : « Bon, à présent je sais où toutes ces
quantités évanescentes sont parties : à droite de l'équation ».
Mais au début du 19ème siècle, la valeur exacte de 2 + 2 recommença à prendre
une grande importance. Riemann développa une arithmétique dans laquelle 2 +
2 = 5, parallèle à l'arithmétique euclidienne où 2 + 2 = 4. De plus,
durant cette période, Gauss construisit une arithmétique où 2 + 2 = 3,
mais, craignant de n'être pas compris par les béotiens, il ne la publia
pas, et découragea Bolyai de s'engager sur une voie analogue.
Naturellement, il en résulta des décennies de grande incertitude concernant
la véritable valeur de 2+2. En raison des opinions changeantes à ce sujet,
la preuve de Kempe, en 1880, du théorème des quatre couleurs, fut réputée,
11 ans plus tard, être en fait une preuve du théorème des 5 couleurs.
Dedekind entra dans ce débat avec un article intitulé « Was ist und
was sollen 2 + 2? »
Frege pensa avoir réglé la question alors qu'il préparait une version
abrégée de son « Begriffsschrift ». Ce résumé, intitulé « Die
Kleine Begriffsschrift » (le petit Schrift), contenait ce qu'il
pensait être une preuve définitive de 2 + 2 = 5. Mais alors qu'il était
sous presse, Frege reçu une lettre de Bertrand Russell, lui rappelant
que dans « Grundbeefen der Mathematik », Frege avait lui-même
démontré que 2 + 2 = 4. Cette contradiction découragea tant
Frege qu'il abandonna complètement les mathématiques pour se consacrer à
l'administration universitaire.
Face à cette profonde (et troublante) question fondamentale concernant la
valeur exacte de 2 + 2, les mathématiciens suivirent la voie la plus
naturelle : ils choisirent prudemment d'éviter les paradoxes ainsi créés, et
se cantonnèrent au champ des mathématiques « orthodoxes », où 2+2
= 4. Durant le 20ème siècle, il n'y eut pour ainsi dire aucune
tentative de développement de l'équation rivale. Des rumeurs prétendaient
que Bourbaki aurait prévu de consacrer un volume à 2 + 2 = 5 (dont les
quarante premières pages seraient occupées par l'expression symbolique du
nombre cinq), mais elles n'ont jamais été confirmées. Récemment, cependant,
on a entendu parler de preuves assistées par ordinateur de ce que 2 + 2 =
5, utilisant souvent les ordinateurs de sociétés boursières. Peut-être le
21ème siècle verra-t-il une nouvelle renaissance de cette
équation historique.
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La preuve ultime du grand théorème de Fermat
Il y a de longues années que sévit sur sci.math un
« fermatiste » obstiné, James Harris, qui produit littéralement
quotidiennement des démonstrations du grand théorème de Fermat (et parfois
d’autres merveilles, comme, récemment, une méthode de calcul rapide de
nombres premiers), alternant cris de victoires (et injures pour les
mathématiciens orthodoxes incapables de reconnaître son génie) et messages
provisoirement plus sobres, du type « je reconnais que ma
démonstration précédente était erronée, mais je l'ai réparée, et cette
fois, je suis sûr de mon coup ». C'est dans ce contexte survolté que
Jim Ferry publia, en 1998, le texte qui suit (et que j’ai adapté et
traduit).
Vous qui avez travaillé sur
le grand théorème de Fermat, vous pouvez mettre fin à vos efforts. J'ai construit une
démonstration dont la simplicité ne peut être surpassée.
Énoncé: pour tout entier n>2, il n'existe pas
d'entiers non nuls x, y et
z tels que xn+yn=zn.
Démonstration:
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Oui, vous avez bien lu ! Ma démonstration est… la démonstration vide ! Cette démonstration a de nombreux
avantages, quand on la compare à celles produites par d'autres auteurs :
1) Quand on prend la mesure du sens de l'humour de Fermat,
on se rend compte que ceci est la preuve à laquelle il pensait. La marge
trop étroite? Ha ! La démonstration figurait dans la marge depuis le début,
mais les mathématiciens, incapable de se libérer de leur vision étriquée de
ce qui constitue une preuve, furent simplement
incapables de la voir.
(on
m'a fait remarquer qu'un certain Dupin aurait construit une démonstration
similaire (l'anecdote est rapportée par E.A.Poe dans
"La Lettre Volée"), mais bien entendu, l'analogie entre les deux
démonstrations ne saurait être que superficielle, celle de Dupin ne
concernant la théorie des
nombres que dans ses rapports à la cryptographie.)
2) Elle est brève.
3) C'est (et ce sera) ma seule et unique version.
4) Il n'y a aucune lacune de raisonnement, aucun saut
injustifié entre les étapes.
5) Il n'y a aucune définition inusitée ou non mathématique;
aucune tentative de reformuler l'énoncé.
Naturellement, des
mathématiciens envieux ont
tenté de critiquer ma démonstration. Mais aucun de leurs contre-arguments
ne tient la route :
a) « Ce n'est pas
une preuve. C'est tout simplement idiot. »
Ce n'est pas un
contre-argument. C'est seulement
une fanfaronnade. Jusqu'à ce
que quelqu'un produise un contre-exemple, ou précise le point exact
où ma preuve est insuffisante, je considèrerai ma démonstration comme
valide. Vos attitudes émotionnelles ne peuvent pas servir de substitut à
la logique.
b) « Hmm, en quoi ceci est-il une
démonstration du théorème de Fermat plutôt que, mettons, de n'importe quel
autre théorème? Pourquoi ne pas affirmer que vous avez démontré l'hypothèse
de Riemann? »
Qu'est-ce qui fait de n'importe
quelle preuve une preuve de ce qu'elle prouve plutôt qu'une preuve
d'autre chose? Le fait qu'elle le prouve. Qu'est-ce qu'il vous faut de
plus?
c) « Ridicule. C'est même difficile de la
commenter. Une démonstration doit prouver quelque chose. Une démonstration
est une série d'assertions qui amènent à un résultat. Les démonstrations
ont forcément un contenu sémantique. Même les démonstrations les plus
insensées ont au moins un contenu syntaxique. Votre « démonstration » n'est pas plus une
preuve du grand théorème de Fermat que ne l'est une boîte de sardines (qui,
soit dit en passant, a au moins un contenu). »
Une boîte de sardines? Encore des arguments
hystériques. Encore un
mathématicien qui prétend que vous trichez si vous ne respectez pas ses
règles. Avez-vous produit un contre-exemple? Avez-vous trouvé un endroit précis de ma preuve
qui soit erroné? Alors fermez-la.
Il
est déjà pénible de constater que la communauté mathématique, repliée sur
elle-même, refuse de reconnaître ma gloire. Mais qu'elle ajoute à cela le
mépris et les insultes… Oh, je ne devrais pas me montrer surpris. Toujours
la même vieille histoire: la noblesse et l'intelligence pourchassée par la
meute vicieuse des ignorants. Soupir…
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