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Introduction Introduction Ce texte s’adresse à tout
joueur de go connaissant (raisonnablement bien
Avant la partie : taille du goban, handicap, etc. Le Go (ou plutôt le Weichi, quand on parle de ses origines) a pour enjeu l'occupation et le contrôle d'un terrain (quadrillé), mais ce n'était sans doute pas l'objectif initial, et l'origine réelle du jeu reste incertaine, tout comme la question de savoir s'il y avait une signification (symbolique ou autre) au choix du terrain primitif. Quoi qu'il en soit, le terrain actuel (le goban 19×19) n'est pas le seul possible (et a longtemps été concurrencé par la forme 17×17), mais, en dehors d'expérimentations sur 21×21, et de parties d'initiation sur terrains plus petits, seul, étrangement, le jeu sur 9×9 est encore parfois pratiqué sérieusement par des joueurs de haut niveau.
Règles décrivant la marche
de la partie. Si le jeu découlait vraiment de l'idée de contrôle d'un espace quadrillé, la question de savoir quoi faire des envahisseurs aboutirait sans doute à définir une règle de capture. Il est peu probable que les choses se soient déroulées dans cet ordre, et les règles modernes dérivent
sans doute au contraire d’une forme très primitive (genre « jeu de la première
capture », ou « règle strasbourgeoise »), qui a été affinée
par l’expérience des joueurs (il est rapidement clair, par exemple, qu’on
doit faire quelque chose en cas de ko, si on veut que la partie finisse un
jour |
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Compter la position finale : les principesPour comprendre les analyses
qui vont suivre, il faut savoir, comme on l’a dit, que la règle
« historique » du go (développée en Chine, puis au Japon) n’est
qu’une codification du bon sens des joueurs (d’ailleurs, pendant très longtemps, il n’y a pas eu de
règle écrite, et en cas de litige, on demandait tout simplement l’avis d’un
fort joueur). Même si l’on part du jeu de la première capture, il devient vite
clair pour des joueurs astucieux qu’une bonne stratégie consiste à faire de
grands territoires, où l’on pourra longtemps poser des pierres sans risquer
de se les faire prendre. Les problèmes de la règle japonaise : qu’est-ce qu’un groupe mort ? C’est à partir de là que les
ennuis commencent : une procédure devient nécessaire pour savoir quelles
pierres sont mortes. Bien entendu, cette procédure ne doit rien coûter
(sinon, on en reviendrait à la difficulté précédente) ; dans des
versions où la preuve se ferait en capturant effectivement les pierres (ce
qui fut par exemple le cas de ma première rédaction de la règle française, en
1972, que l’on trouvera dans « Le
jeu à 9 pierres »), on comptera en revenant à la position avant la
dispute (ce qui laisse en suspens les problèmes variés soulevés plus bas, et dont j’étais bien
inconscient à l’époque Historiquement, la « mentalité japonaise » (et peut-être leur conception du droit) les a amenés à régler ce genre de question, non par une procédure pratique, ni par une règle théorique générale, mais au cas par cas. En effet, une définition rigoureuse est extrêmement difficile à formuler (voir à ce sujet la règle dite « J89 » et sa version améliorée (en 1997) et formalisée par Robert Jasiek), et de plus, les différentes décisions déjà prises faisant jurisprudence, des arguments « de bon sens » ne permettent pas forcément d’obtenir le résultat sur lequel les professionnels japonais se sont déjà accordés. Trois exemples pour montrer au lecteur à quel point tout cela ne va pas de soi. Le problème le plus connu est
sans doute celui correspondant à l’expression « 4 courbés dans le
coin » (Figure 1). Noir ne peut plus rien faire. Blanc attend la fin de
la partie, puis sacrifie 4 pierres, rejoue (en 1-2) pour déclencher un ko
favorable (c’est-à-dire que c’est à Noir de trouver la première menace), et
Blanc gagne ce ko, la partie étant finie (et donc les menaces de ko
inexistantes). Figure 1a : Le
même, avec une menace de ko indestructible : en règle japonaise, Blanc
gagnerait de 7 points ; en règle française, il peut : a) laisser
en l’état et perdre de 9 points b) déclencher le ko, ne pas répondre à la
menace, et perdre de 8 points c) répondre à la menace ; Noir recapture, comme Blanc n'a plus de menaces, Noir termine le ko et gagne à nouveau de 9 points...(la vérification de ces calculs est laissée au lecteur, qui remarquera que dans la position initiale, le Blanc et le Noir ont joué le même nombre de coups L’analyse soignée du combat de
la figure 2 (laissée au lecteur
.
Figure 3, en revanche, les deux groupes sont capturables, mais, dans les deux cas, on peut rejouer « sous les pierres ». Le problème vient de ce que si Noir commence, Blanc marque 3 points (en négligeant le ko, mais le peut-on ?) ; si Blanc joue le premier, puis trouve le tesuji de sacrifice de trois pierres, Blanc marque 2 points (et s’il rate le tesuji, il n’en marque qu’un !). Bref, chacun des deux préférerait que l’autre commence (comme pour un seki), mais bien sûr, si personne ne joue, Blanc ne marque rien, ce qui est pire encore pour lui que s’il commençait. C’est un exercice amusant de montrer qu’en règle française (et en ne ratant pas le tesuji), Blanc marque effectivement les 3 points que (pour de toutes autres raisons) la règle japonaise lui attribue.
Le lecteur pas encore
complètement écœuré trouvera sur le site de Robert Jasiek déjà
mentionné une
liste complète
de ces positions exceptionnelles (pour autant qu’on le sache Problèmes chinoisÀ ce stade, le lecteur (de bonne foi) devrait commencer à trouver une certaine supériorité à la règle française dans les cas litigieux. Pour être tout à fait honnête, il faut bien reconnaître qu’elle n’est pas forcément parfaite. Le problème vient en partie de ce qu’on peut avoir deux attitudes opposées sur ce que devrait normalement être le résultat d'une règle satisfaisante : la position « intuitive » japonaise, qui dit par exemple qu’un groupe blanc complètement mort (encerclé par un groupe noir vivant, et n’ayant plus que des faux yeux) ne doit jamais pouvoir vivre (et qui estime que toute règle disant autre chose est mauvaise et doit être amendée), et la position « pragmatique » chinoise, qui, sous sa forme la plus radicale, dit que si Blanc parvient à empêcher la capture, il a bien mérité sa survie. Voici un exemple spectaculaire de ce que je veux dire : la « vie au clair de lune ». Le groupe du coin nord-ouest n’est pas capturable, car Blanc a une infinité de menaces de ko indestructibles (en jouant le double ko à l'est). La plupart des joueurs estiment
que « c’est de la triche », et préféreraient nettement que la règle
interdise à Blanc de s’en tirer. De fait, expérimentant, on découvre que la
règle du « superko » permet à la morale d’être sauve : si
Blanc essaie de jouer le ko, il perd en fait tous ses groupes
(essayez !). Mais on a eu chaud
De même, il a été possible en règle française, à la stupeur de tous les joueurs forts, de construire quelques positions où l’on peut capturer un groupe qui serait normalement imprenable, ainsi, dans la situation suivante … Blanc, en utilisant habilement la règle du « superko » (qui là, au contraire, est la cause du problème), peut tuer le groupe noir du coin nord-ouest !! (ce n’est pas très difficile, mais peu évident ; je vous laisse chercher la façon diabolique dont Blanc doit exécuter sa menace de ko en plein milieu de la séquence, et alors qu’il n’y a pas de ko, pour obliger Noir à passer, puis à ne plus pouvoir sauver son groupe à cause d’une répétition interdite). Enfin, T. Mark Hall (un 4d
britannique) a rencontré il y a quelques années (en tournoi) une position
parfaitement plausible (le « ko gluant », ou
« escarko ») où l’application « à la lettre » de la règle
chinoise aboutit à un phénomène littéralement monstrueux. J’ai découvert
récemment qu'une
formulation à peine modifiée de la règle du superko permettait d’éliminer la plupart de ces
difficultés, mais rien ne garantit qu’il ne pourra plus en apparaître
d’autres Cela dit, toutes ces situations
sont quand même vraiment exceptionnelles, et utiliser ces positions comme
argument n’est évidemment pas très sérieux. Alors, pourquoi donc tant de
résistances à la règle chinoise ? Méthodes de décompteLe problème vient de ce que la
majorité des « vieux » joueurs a été formée « à la
japonaise », et que la méthode de compte des chinois leur est étrangère
(dans ce genre de discussion, il est important de ne pas confondre le score
(c’est-à-dire le nombre de points dans les territoires, etc.) avec la
procédure pratique de décompte (avec réarrangement des frontières, pose des
prisonniers dans les territoires adverses, etc.) : la procédure chinoise
utilise des réarrangements bien plus spectaculaires, et termine en comptant
les pierres par paquets de 10 Donc, on veut avoir le score chinois (pour respecter la règle française), mais un décompte « japonais », pour ne pas perturber les habitudes des joueurs (de fait, il est plus facile, pendant la partie, de compter les prisonniers que les pierres sur le terrain, même si cela revient au même à la fin). Du coup, il s’avère qu’une correction doit être établie : imaginons en effet par exemple un goban (19x19) entièrement rempli, sauf un territoire noir de 8 points, et un territoire blanc de 2 points. Aucun prisonnier n’a été fait, et personne n’a passé durant la partie. Compte japonais : 6-komi pour Noir (soit un demi-point avec le komi le plus fréquent). 351 coups ont été joués (361-10) ; comme Noir a joué le premier, il y a 176 pierres noires et 175 blanches ; le compte chinois est donc 7-komi et Noir a joué la dernière pierre. Il faut donc que Blanc soit pénalisé d’un point dans ce cas pour obtenir, en comptant à la japonaise, le score chinois (donc français). Il est facile de se convaincre que des prisonniers éventuels ne changeraient rien à la question. Le Blanc a-t-il raison de se plaindre ?À ce stade, on peut penser qu’il y a là une injustice évidente pour Blanc, et en particulier qu’il doit perdre une fois sur deux une partie qu’il aurait gagnée (d’un demi point) en règle japonaise. Il n’en est rien, mais il faut un peu plus de réflexion (et de calculs) pour s’en convaincre. Il n'est sans doute pas nécessaire d'ouvrir la fenêtre contenant l'analyse rigoureuse de cette question, mais cela rassurera définitivement (espérons-le) les lecteurs à l’esprit algébrique. Tous ces calculs montrent bien que (sous les hypothèses faites), le Blanc ne peut pas perdre « à cause de la règle française ». Par ailleurs, un argument plus simple montre que le score chinois d'une partie sans komi (et sans seki) est nécessairement impair : toutes les intersections appartiennent alors à l'un des deux joueurs, donc la somme des scores (361) est impaire, et donc la différence des scores l'est nécessairement aussi : le score d'une partie "ordinaire" varie donc de deux points en deux points, ce qui pourrait amener à penser que finalement, se battre pour le dernier point n'a guère de sens... Mais bien entendu, le lecteur aura
déjà deviné que ces analyses ont elles-mêmes leurs failles D’abord, la règle chinoise n’interdit pas de marquer des points dans les sekis. (ce qui n’est pas si facile : le cas le plus simple est celui-ci : les points a et b seraient
neutres en règle japonaise ; ils rapportent 2 points à Blanc chez
nous). On remarquera qu’ici encore, la règle japonaise est plus
« logique », si l’on veut (Blanc n’a obtenu le point a que de
justesse L’autre différence est liée à
des dames jouables par un seul joueur. Son adversaire doit donc passer
pendant ce temps (et payer évidemment la pénalité habituelle si l’on compte
« à la japonaise »). On connaît plusieurs situations de ce type (qui sont, au demeurant,
parfois difficile à jouer de manière optimale quand on n’y a pas réfléchi à
l’avance) : cela peut par exemple se produire pour un ko « d’un
demi-point » en fin de partie, quand on a beaucoup plus de
menaces que l’adversaire : on peut alors le laisser ouvert, puis le
combler, pendant que l’autre ne peut plus que passer (ou jouer dans son
terrain, ce qui revient au même). En fait, une autre question
« philosophique » n’a pas encore été abordée : qu’est censé
« prouver » le fait de gagner une partie de Go ? On peut
toujours dire que seul compte le plaisir d’avoir bien joué (ou du moins mieux
que l’autre). Mais s’il s’agit de démontrer une maîtrise supérieure à celle
de l’adversaire, il est clair qu’il faut que les chances initiales soient
égales , or le jeu est manifestement biaisé en
faveur du Noir (au pire, si, quel que soit l’endroit où Noir commence, cela
lui faisait perdre la partie (ce qui semble plutôt invraisemblable), il lui
suffirait de passer pour arracher au moins la nullité). Deux solutions sont
alors possibles : jouer une succession de parties en alternant les
couleurs, ou compenser d’une manière ou d’une autre l’avantage initial. Comme
la première solution présente des difficultés pratiques, les joueurs japonais
ont fini, non sans réticences, par adopter (vers 1920, mais des tentatives analogues avaient eu lieu dès le 19ème siècle) la notion de komi
(« compensation »), c’est-à-dire le fait de donner à Blanc un
certain nombre de points supplémentaires en compensation du désavantage de
jouer en second. 1) Chaque joueur dépose un nombre (entier ou demi-entier) qu’on appellera son « komi préféré » (kp), de manière publique (par exemple au moment de son inscription à un tournoi, ou en prenant sa license, etc.) 2) Pour toute partie officielle jouée à égalité (dans un tournoi où cette méthode est appliquée, évidemment), le « komi réel » (kr) est la moyenne des deux « komis préférés » des deux adversaires. 3) Le joueur ayant le plus grand « komi préféré » commence (et joue avec les noirs). En cas d’égalité des kp, on tire au sort… Commentaires : 1) Dans ce système, supposons que A ait déclaré un kp de 8, et B un kp de 4. Cela veut dire qu’ils estiment le jeu équitable avec ces komis respectifs. Or la procédure donne un komi réel de 6, et A commence. A est donc satisfait, car il n’a à payer que 6 points pour pouvoir commencer, alors qu’il pensait que ce privilège valait 8 points ; B est également satisfait, car il reçoit 6 points de compensation, alors qu’il pensait n’en recevoir que 4. 2) On a reproché à des systèmes analogues d’introduire une dimension psychologique (une sorte de jeu de poker) dans la phase d’enchères : supposons que A sache que C déteste jouer avec Blanc, et est prêt à proposer 12 comme kp pour être sûr d’avoir Noir. A n’a alors qu’à proposer 11,5 pour avoir Blanc et 11,75 points de komi, alors qu’il ne pouvait espérer mieux que 8 si C avait connu le kp de A à l’avance. C’est tout l’intérêt du point 1) : aucune manipulation de ce genre n’est vraiment possible, puisque chaque joueur doit déclarer son kp avant de connaître ses adversaires (voire pour toute une période de temps fixée). 3) Évidemment, si kr est entier, on se retrouve avec le problème des parties nulles (« jigos »). Mais est-ce vraiment un si grand inconvénient en pratique? 4) Des essais aux tournois de Montpellier 2003 et 2004 ont cependant fait apparaître un effet pervers collectif : la majorité des joueurs n'ayant pas adopté le système (par incompréhension?), il devenait possible de jouer systématiquement avec les noirs et toujours un komi de 5,5 pts, en ne déclarant qu'un kp de 6. Il a donc été décidé, pour le tournoi de 2005, de prendre une valeur de komi par défaut de 7,5 pts, et je me sentirai sans doute obligé en 2006 de la monter encore, pour que les joueurs finissent par adopter mon système (ou peut-être par boycotter mon tournoi |
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Appendice :
la règle néo-zélandaise, une règle complète, rigoureuse et concise. Pour conclure cet
article, voici une traduction des règles néo-zélandaises (avec l’aimable autorisation
de leur auteur, John Tromp).
Leur rédaction sous cette forme est extraordinairement compacte et
rigoureuse, mais ne sera peut-être satisfaisante que pour des
mathématiciens et autres créatures bizarres
Les règles
Commentaires
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SolutionsSi le joueur
n’attend pas que tous les dames soient remplis, il perd un point (quand ce n’est
pas plus Blanc capture 4 pierres (en jouant a1, mettons), Noir recoupe en b2, Blanc joue a2, sacrifiant les 3 pierres a2-a1-b1, Noir les capture en a3, Blanc fait atari en b3 et Noir reperd la pierre a3. Blanc fait atari au groupe nord-ouest en jouant en a3, Noir joue (et capture) en a1, Blanc joue la menace de ko en j6, Noir répond en j5 (position notée *), Blanc capture en a2, Noir doit passer, Blanc joue en a3 et Noir n'a pas le droit de capturer (en a1), car on se retrouverait dans la position * ! |